Eh oui, le travail, sujet parfois peu excitant, fait pourtant partie intégrante de nos vies. Et même si ce blog n'est pas si souvent le lieu de billets persos (bien que vous pourriez arguer que quand on parle de choses que l'on aime, on se dévoile un peu, et donc on parle forcément de soi), j'ai décidé de profiter de ce lieu pour parler de ce que je fais et dresser une sorte de bilan.
Cv:
Nom: Julia T
Âge: 27, bientôt (ô effroi) 28
Profession: Traductrice littéraire (non non, je n'ai pas peur des mots)
Cursus: Bac L, Maîtrise d'anglais à la Sorbonne, puis une école de traduction qui se targue d'être la meilleure de France et pourquoi pas même du monde (selon eux...)
Lettre de motivation:
Diplômée sur le tard (pour cause de rédaction d'un mémoire qui ne m'a pas du tout passionnée) et après des études à rallonge (8 ans, c'est quand même beaucoup pour n'importe quel être humain normalement constitué), je suis enfin devenue il y a quelques mois, voire presqu'un an, ma propre patronne. Sans parler des difficultés inhérentes au métier de traducteur et des considérations linguistiques et idéologiques que celles-ci entraînent (et dans les détails desquelles je refuse de rentrer, franchement, je trouve ça sans intérêt), exercer un métier en free-lance est une entreprise assez complexe. Je vous passe les détails du choix de statut et autres démarches administratives et de gestion dont on est obligé de s'occuper, parce que c'est 1) pas drôle du tout et 2) horriblement chiant!
Le plus difficile, c'est : Comment réussir à faire ce que l'on a envie de faire (dans mon cas, traduire des livres) quand on doit aussi gagner sa vie? Or, le marché de la traduction est quasi complètement dominé par la traduction technique ou juridique, et qui aurait envie de faire ça? Si si, il y a des gens, mais pas moi...
J'avais néanmoins un projet, une idée, qui me permettrait d'entrer par la petite porte de cette profession hautement intellectuelle, et pourtant vivement déconseillée par toutes les personnes bien-pensantes (je cite: "l'édition, c'est archi bouché, tu n'y arriveras jamais. Fais du droit, tu gagneras des sous").
J'avais donc un plan, que je me suis empressée de mettre en branle, et qui a fini, bien des mois plus tard, par payer (au propre comme au figuré)! Je ne sais pas dans quelle mesure je brise ma clause de confidentialité (si j'en ai signé une, je n'y ai vraiment pas prêté attention), donc je vais parler en termes assez peu voilés et très faciles à décrypter: je viens de finir de traduire mon premier roman "à l'eau de rose" et qui s'adresse à un public très majoritairement féminin (on trouve ces jolis livres dans tous les bons Monop)... Vous me suivez?
Bilan:
Durée: 5 semaines
Longueur: Presque 200 pages
Histoire: top secrète
Date de sortie: inconnue au bataillon (j'ai oublié de demander à mon éditrice)
Premier point positif: Même si certaines personnes (et par là je veux dire beaucoup) dénigrent avec joie les nombreux romans publiés par cette maison d'édition, j'ai quand même eu la chance de traduire un roman, un vrai, plutôt bien écrit, avec un début, une fin et un milieu, des personnages plus ou moins complexes, des rebondissements classiques mais efficaces, et les obligatoires "scènes sensuelles", plus communément appelées scènes de cul, et qui sont, ne nous voilons pas la face, la raison n°1 des bonnes ventes de ces bouquins, mais j'aurais l'occasion d'y revenir plus loin...
Deuxième point positif: Quand tu te lèves le matin, tu as du travail, et ça c'est quand même l'objectif n°1 de tout travailleur free-lance. Tu as un projet, un texte long et qui aura le mérite de t'occuper pendant au moins un mois (suivant ta rapidité), et de te faire gagner de l'argent (ce qui est l'objectif n°1 de toute personne qui travaille). Il faut donc ensuite parvenir à rythmer toi-même tes journées, sans patron pour te foutre la pression, et sans collègues avec qui faire des pauses café. La discipline, objet de toutes les curiosités (si je devais compter toutes les fois où on m'a posé la question: "mais comment tu fais pour réussir à bosser toute seule chez toi?"...), est finalement loin d'être un mystère. Comme pour tout travail, tu n'as pas de patron certes, mais tu as un client (ou une éditrice) qui te paye et à qui tu as promis de livrer ton travail en temps et en heure, ce qui est, pour moi, une motivation tout à fait suffisante. En plus, quand on a connu des phases, plus ou moins longues, sans travail et où tes journées entières sont dédiées à la plus totale oisiveté, tu sais que tu es content de travailler. Et finalement, travailler seul chez soi, ça a, comme tout, des avantages et des inconvénients. Tout d'abord, il vaut mieux ne pas vivre seul, comme ça tu es heureux quand la personne qui partage ton appart (en l'occurence, la sista) rentre le soir et que tu peux lui raconter la foultitude de choses passionnantes qui te sont arrivées dans la journée (comme par exemple: "j'ai enfin réussi à joindre l'Ursaaf et j'ai enfin une sécu!", ou "je me suis pris la tête toute la journée sur une scène de cul, le torride c'est pas facile à écrire", etc...). Si tu as en plus des copines qui bossent dans le quartier et qui se font une joie de passer boire un café ou de déjeuner avec toi, c'est encore mieux (ça tombe bien, j'en ai!). Enfin, dernier conseil: tu mets ton réveil le matin, pas forcément très tôt, mais quand même, tu ne peux pas travailler assez vite si tu te lèves à 11h tous les jours et que ta journée de travail commence en réalité à 14h. Le mieux, selon moi, c'est de sortir faire un tour le matin, ça réveille et on prend l'air, et on se fait la 1/2 heure (voire plus) de marche conseillée par tous les bons médecins.
Troisième point positif: Sans vouloir trop en révéler sur les rouages internes de cette grande maison d'édition, tu te rends compte que les personnes qui travaillent là-bas prennent leur travail au sérieux, font leur maximum pour proposer à leurs lectrices des lectures de qualité, et qu'elles respectent profondément les lectrices susnommées (pardon, un petit reste sorti d'on ne sait où des nombreux contrats traduits ces dernières années, et que je m'efforce chaque jour un peu plus d'oublier). C'est pas de la blague, je ne veux pas faire la nénette qui voit tout en rose, mais j'ai été agréablement surprise de constater que les éditrices pensent toujours en premier lieu à leurs lectrices: quelles sont leurs attentes? Comment les satisfaire au mieux?
Moi qui étais plus branchée chick lit que romance, je me suis plongée dans cet univers avec le moins d'à prioris possibles, et je me suis découvert un 'soft spot' pour les princes du désert: qui ne rêverait pas de se faire enlever et séduire par un sublime sheikh? Je trouve que c'est un genre respectable, et que c'est parfois réconfortant de lire un livre, en sachant pertinemment que ça finira bien. C'est dit!
Point négatif: je ne vois pas trop! Franchement, je suis heureuse et fière d'avoir traduit un livre en entier. J'ai trouvé ce travail relativement complexe et assez satisfaisant en fait. Ce qui est facile et difficile à la fois, c'est de respecter un style. Je crois que j'ai même réussi, sans le vouloir, à y ajouter une petite note perso, mais j'ai trouvé que le style me venait assez naturellement (je le prends comme une bonne chose), et je trouve que c'est un bon début...
Je dois aussi avouer que lorsqu'on travaille relativement longtemps, on s'attache aux personnages, moi j'étais heureuse de les retrouver tous les matins et de m'occuper à retranscrire les aléas de leurs vies: "Tiens aujourd'hui, ils le font au bord de la piscine" ou "Ce matin, elle a peur d'être enceinte", etc...
La difficulté numéro uno, c'est les scènes de cul! Ce qui fait rire toutes mes copines évidemment, mais c'est vraiment loin d'être évident! Heureusement, on est épaulée et soutenue de A à Z par son éditrice, qui n'hésite pas à prodiguer moultes conseils et critiques pour les améliorer. Les lectrices, je pense, ne se rendent pas compte de la différence qu'il existe généralement entre le texte en VO et le résultat, c'est à dire la traduction à la sauce frenchy, et ces différences sont encore exacerbées dans les fameuses "scènes de cul". La Vo est souvent crue et quasi uniquement descriptive, mais néanmoins agrémentée de métaphores plus ou moins réussies ou bienvenues. Or, il faut que le résultat soit hot hot hot, et ça, c'est plus facile à dire qu'à faire! Je ne vous donnerai pas mes petites recettes secrètes, ceci n'est pas un cours de traduction...
Donc, pour dresser un bilan des cinq (et quelques) semaines passées, j'ai traduit 187 pages, 4 scènes sensuelles, 8 scènes de bisous plus ou moins hot (selon l'évolution de l'histoire), un scénario rondement mené, et une jolie histoire d'amour de jeunesse longtemps oublié qui reprend vie plusieurs années après. Une expérience enrichissante (là encore, au propre comme au figuré) et qui devrait, à mon grand plaisir, se renouveler rapidement! Voici donc le récit de comment je suis devenue traductrice littéraire (et non, je n'ai toujours pas peur des mots)...
PS: si vous avez trouvé ce billet sans intérêt, je m'excuse d'avance, mettez-le dans les commentaires et j'arrêterai les notes persos (enfin, si j'ai envie ;-)
Crédit photo: we heart it